Voici une œuvre d’art contemporain, dont j’ai découvert l’existence après réception du dossier de presse concernant une exposition d’autres pièces du même artiste au SHED, Centre d’Art Contemporain de Normandie (haut-lieu du posturo-bidulo- woko- crapoto-conceptualisme artistique hexagonal)
On pense de prime abord qu’il s’agit d’un ustensile ménager du genre aspirateur –balais, puisqu’on aperçoit comme des balayures de plancher à l’extrémité du bras métallique. Mais cette œuvre d’aspect conceptualo-bidouillaire reste bien énigmatique et ouverte à toutes les supputations possibles quant à sa véritable fonction.
Toutes les hypothèses restent ouvertes :
S’agit-il d’un éplucheur de topinambours ou du fameux canon à patates de Boris Vian ? S’agit-il d’une pompe pour Shadoks ? S’agit-il d’une machine à se branler la glande pinéale ? S’agit-il d’une mitrailleuse à ketch-up comme aimeraient en posséder Vladimir Poutine et Jean-Luc Mélenchon ? S’agit-il du robot-tueur de punaises de lit de Mathilde Panot ? S’agit-il d’un bidule à propulsion métaphorique ou chargé d’un message poètico-politique et subliminal destiné au soutien des luttes convergentes des minorités opprimées ? Ou bien s’agit-il seulement d’un machin quelconque, totalement crétin et décérébré, sans aucune mauvaise pensée et dépourvu de toute idéologie nauséabonde ?
Je penchais pour la dernière hypothèse du truc résolument insignifiant, malgré son aspect menaçant., jusqu’à ce que j’apprenne, dans un article d’Elisabeth Franck-Dumas dans Libération du 20-09-15, que l’œuvre était intitulée Cowboy , qu’elle avait été exposée à la financial- galerie internationale Loevenbruck et qu’elle était , « une sorte d’usine à gaz, ou plutôt à fumée, elle aussi très low-tech, où un monticule de tabac, un coulissant de métal et une bouteille en plastique s’activent pour reproduire l’inhalation/exhalaison du fumeur. On ne sait si la machine prend aussi en charge le plaisir. »
Mon Dieu, mon Dieu ! Ainsi donc cet engin n’aurait d’autre but que de produire des bouffées de fumée nicotinée ! J’en suis tout obturé des bronchioles.
« « Pour sortir d’une servitude née du productivisme et du culte de la croissance »
Et, comme pour prolonger ma suffocation, je découvre par ailleurs ce texte particulièrement impectorant de la critique -curateuse d’art , vice- présidente de l’Association française des curators, Marianne Derrien ( revue O2-15-05-2022) qui nous révèle la dimension puissamment métaphorique de cet objet à pistons et la pertinence de son message anti-capitaliste :
« Dans un monde divisé entre le capital et le travail, il faut appuyer là où cela fait mal pour sortir d’une servitude née du productivisme et du culte de la croissance. Depuis la machine à vapeur, l’humain, devenu outil, est un chaînon parmi les autres. La théoricienne et militante féministe marxiste Silvia Federici ( vous connaissez ?) estime, quant à elle, que la première machine « développée par le capitalisme » fut « le corps humain, et non la machine à vapeur ni même l’horloge[ ». Celui-ci, converti en force de travail, impliquerait la mort du corps magique. Si le taylorisme a vu naître l’automatisation des corps – et donc des désirs, Thomas Teurlai pousse le curseur bien plus loin : non pas dans l’absurde mais dans une clairvoyance qui retourne le concept de l’homme-machine afin d’en extraire ce « corps paysan, pré-industriel, magique » … Mais oui ! Mais c’est bien sûr ! Comment n’y avais-je pas pensé ?
Et Marianne de nous envoyer cette autre bouffée nicotinisée d’anti-capitalisme délirant: « Aux confins de visions anthropomorphiques, ces machines temporelles , par t leur interventions, tissent une multitude de récits qui se stratifient. En elles s’établissent des circuits qui permettent de tester des situations psycho-cinétiques, souvent enivrantes, qui s’adonnent à des épilepsies mécaniques et lumineuses dont le magnétisme machinique, tant joyeux que sombre, s’allie aux ondes et aux fréquences, aux énergies conductrices et aux rythmes organiques » .Agreuh ! Agreuh ! Passez-moi ma ventoline !
…Vous aurez compris, comme moi, comment , par le truchement de cet machine à pomper du rien, cet art anti-capitaliste, devient le parfait idiot utile du grand capital.