VOICI LES 16 LAURÉATS DU CONCOURS DE LA CRITIQUE D’ART LA PLUS ABSCONSE

J’avais lancé vers le 15 mai, le concours de la critique d’art le plus grotesque et si possible encore plus inepte , pédante et imbitable que celle qu’on trouve communément  sur les réseaux de l’art contemporain institutionnel

Pour cela, j’avais proposé à mes amis -lecteurs de commenter avec le pédantisme et l’inextrabilité langagière qui  convient, cette œuvre ( imageci-dessus) de je ne sais qui, constituée de trois tas de je ne sais trop quoi , exposée au « Magasin de Horizons » à Grenoble, ville à la pointe du progressisme écolo-déconstructif en tous genres.

J’ai choisi les 16 textes les plus pertinents , parmi tous ceux que j’ai reçus, pour les soumettre à votre votation pour choisir le meilleur …lequel  sera publié , suite à l’accord avec ma copine Catherine M. , dans sa revue Art Press.

Dites-moi votre choix à nicole.esterolle@yahoo.fr

Les noms des signataires des textes sont vrais ou pseudos.

Théodule Krakenberg

« Anthropocènes en Linceul — Triptyque n°7 » de Loretta Van der Möde

C’est dans la strate sédimentaire du linge abandonné que Loretta Van der Möde interroge, sans concession ni répit, la fossilisation post-anthropocénique des affects textiles. Ces amoncellements, à première vue triviaux, deviennent le locus du refoulé domestique, un palimpseste chromatique où chaque pli est une béance ontologique, chaque fronce une scansion du silence mémoriel. On y devine les traces spectrales d’usages disparus, de gestes oubliés, de corps désincarnés dont le passage laisse un frisson d’absence.

Dans la blancheur clinique du hangar post-industriel, le triptyque opératique s’élève comme un chant funèbre à l’économie de l’usure, au cycle mortifère du care mécanisé. La lumière zénithale, presque chirurgicale, vient sacraliser l’entropie des étoffes, révélant l’esthétique du laissé-pour-compte dans sa pleine nudité rituelle. Le choix du textile usagé n’est pas anodin : il s’agit ici d’une matière matricielle, d’un support interstitiel entre l’intime et le collectif, entre l’oubli et la persistance, entre le soin et son échec.

Van der Möde, dans une posture résolument déconstructiviste, nous invite à habiter l’espace entre le tas et le monument, entre le rebut et le reliquaire. Ce n’est pas de déchets qu’il s’agit, mais de reliques molles d’un monde effondré sur lui-même, dans l’attente d’une archéologie spéculative, d’un récit paléosensible que le regardeur — pris à témoin — se doit d’exhumer sans fin.

Bibi Dauberman

Un agencement d’énonciations

Cette œuvre tripolaire posée au sol de Mme S.   n’est pas une structure signifiante, ni une organisation réfléchie, ni une inspiration spontanée, ni une orchestration, ni une petite musique. Elle est avant tout, dans un pur esprit Deleuzien, « un agencement d’énonciations ». Elle déploie ainsi, dans l’intégralité des espaces, une série de nouvelles productions mises en relation avec des œuvres existantes. Elle est à appréhender comme un agencement d’expériences, d’intuitions répertoriant dans un même temps un ensemble de parcelles, une géographie, parfois mutique, parfois animée, de la mémoire ou des mémoires de l’artiste tel un jeu de réminiscences. Mme S. nous conduit ainsi dans un monde régi par la science, le politique, par des réalités historiques, ou par l’imaginaire collectif, qui, à travers des dispositifs vibratoires entre-eux et sur eux-mêmes, seraient autant de pistes pour qu’est-ce-tionner, comme l’avait dit  Lacan,  ou évaluer notre rapport au monde. L’espace ou les temporalités entre les œuvres, sont pour l’artiste des engrenages spiralés aussi importants que les œuvres elles-mêmes. Par une po-éthique combinant intentions et regards, entre voir et montrer, il ne s’agit pas de trancher, mais plutôt de faire coexister pour que des affects surgissent aux interstices. C’est surtout autour du statut de l’image et du concept de temps que ces démarches déploient une riche panoplie d’objets visuels. Les sciences et la philosophie sont là en toile de fond pour aiguiser les recherches et les centres d’intérêt de Mme S.

Xavier Maurissen 

« Quand on regarde l’abîme, l’abîme nous regarde. »

De même, lorsque l’on regarde notre tas de linge sale, le linge nous regarde aussi.

Ces monticules de textiles sont l’allégorie parfaite de notre rapport à la surconsommation de fast fashion, et du manque de conscientisation d’une population de masse qui ferme les yeux devant l’amoncellement de frusques de médiocre qualité, vouées à ne pas survivre à un seul lavage. Jetées nonchalamment ou, au mieux, abandonnées aux Petits Riens, elles incarnent la fuite en avant de notre époque.

Les trois piles de linge, intitulées respectivement « Délicat », « Coton », et « Synthétique », choquent d’abord par leur mélange anarchique de couleurs et de blancs promesse certaine de décoloration. Elles convoquent la peur primordiale, celle du vêtement teignant les autres, contaminant le tambour tout entier de sa couleur douteuse. Un parallèle saisissant avec la propagation du Covid-19, ses règles sanitaires strictes et notre obsession du contrôle.

Les mauvaises langues, évoquant les origines allemandes de l’artiste argentin, auront tôt fait de détourner le propos, mais la phrase mise en exergue de l’installation « Chacun chez soi » fait simplement référence au confinement. Rien de plus.

Chaque monticule est doté d’un regard perçant, qui semble sonder votre âme, vous poussant à remettre en question vos habitudes ménagères.

« Le Calgon est-il vraiment nécessaire à chaque machine ? »

Ces yeux, que n’aurait pas renié Jim Henson, nous forcent à faire face à la crasse, à son accumulation, à notre propre négligence.

Plus on les regarde, plus on comprend, ce tas de chiffons puants, c’est nous.

Nous sommes des tas, puants, qui s’enfonce lentement dans l’abîme. Il serait peut-être temps d’activer le cycle court, pour revenir à l’essentiel.

La nudité.

JEAN-PIERRE KLEIN

Cerné.e.s par la tiercéité  

On est d’abord saisi pas ces yeux qui vous fixent sans pour autant accommoder leur regard sur le visiteur.

Saisi par la culpabilité d’avoir fait irruption dans cet espace, comme si son irruption était fautive.

Quel être se cache dans cet amas multicolore ?

Quels êtres devrait-on dire car ce n’est pas un seul mais trois qui accusent notre présence comme intempestive.

Trois pour mieux nous empêcher de fuir.

Trois comme le chiffre divin, comme l’appel au Saint Esprit, qui n’a pas de couleur unique mais les embrasse toutes.

Trois comme l’accès au Mystère irreprésentable qui se dissimule sous un tas apparemment inoffensif.

L’expression d’un artiste est quasi directe : il/elle a pressé hors de lui/d’elle ce qui gîtait au fond de lui. L’expression le/la soulage comme une exonération matutinale qui purge les excréments de la nuit.

Mais l’expression ne suffit pas, il faut que l’artiste se réapproprie ce qui est sorti malgré lui/elle de ses entrailles (on retrouve là l’allusion mystique à la procréation divine). La pro/création  est le propre du créateur qui prend modèle sur le Créateur. Partir de rien et le signer comme un défi à l’Absolu.

« Trois est universellement un nombre fondamental » nous enseigne P. Grison, dans le Dictionnaire des symboles, et l’on sait qu’il est référentiel dans nombre de religions et dans certaines sociétés secrètes. Le 3 est vertigineux car il ne s’arrête pas à lui-même mais ouvre sur l’infini.

Ces trois tas sont triples de bien des façons. Ils introduisent une référence tierce que chacun.e aborde en s’immergeant dans leur triangle. Cette production immersive dépasse, au moins momentanément, la dualité pour rendre compatible dans une même forme artistique ce qui s‘enfermait en une lutte épuisante d’invasion individuel par un déchet ayant du mal à sortir et sa délivrance au petit matin qui n’est que la première étape d’une réappropriation par l’auteur qui a voulu garder l’anonymat pour mieux nous cerner, con/cerner.

La production des ces trois tas -Tatata semble nous dire ironiquement l’Artiste- n’élimine pas ces luttes mais elle se situe plus loin, plus haut, là où les antagonismes se représentent jusqu’à former une œuvre forte.

S’introduit subrepticement un autre tiers : le regard extérieur du visiteur qui cerné renvoie à son tour de façon triplement spéculaire son regard.

Car l’œuvre ne se réduit pas à trois tas immondes (c’est-à-dire hors de notre monde), l’espace qu’ils circonscrivent fait partie intégrante de l’œuvre et l’on se révèle comme inclus dans ce qu’on croyait externe mais dont on fait inexorablement partie et le visiteur/la visiteuse a du mal à s’extraire de ce piège. 

On comprend alors que ces Excréments multicolores nous invitent à les célébrer comme des divinités familières qu’on honore pour qu’elles vous laissent tranquilles. C’est ainsi que dans l’animisme, cette religion basale, on dépose des offrandes sur les autels de qui on veut neutraliser, y compris aux esprits mauvais qu’on apaise plutôt que de les combattre comme dans les monothéismes..

Il s’agit d’une sorte d’initiation primitive afin de calmer les démons qui les embrasaient pour mieux en retirer de la puissance.

Le visiteur/La visiteuse se doit pour s’en délivrer enfin, de déposer subrepticement une trace de son  passage pour se délivrer  du tiers comme l’enfant attaché à sa mère doit pour accéder à l’humanité en passer par la référence tierce : le Père qui résout et dépasse la fusion première. Le mythe d’Œdipe, comme Lévi-Strauss l’a montré, est dépassement formel de la contradiction : l’homme est issu de la terre, ce que dit la religion grecque, et tout individu est issu de l’union d’un homme et d’une femme, ce qu’enseigne l’expérience. Ces tas qu’on pourrait dire merdique nous somment de na pas nous contenter du binaire.

« On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment », écrivait le cardinal de Retz dans ses Mémoires (1675). Cette installation introduit de l’ambiguïté. Le 3 ainsi formé prouve la complémentarité comme Apollon et Dionysos sont, au fond, indissociables.

Comme on le sait, le terme « Horizon » provient du latin horizontem (au nominatif horizon), lui-même dérivé du grec horizon (kyklos), qui signifie « cercle limitant ». Ce terme grec est formé de horizein, qui veut dire « délimiter, séparer », et de horos, signifiant « borne, limite, pierre marquant une frontière ».

On peut donc prétendre que cette installation nous incite à dépasser les bornes.

Jean-Pierre Klein

Francis MIzio

Trois Petits Tas : rémanences d’une entropie déjouée

Dans cette installation paradigmatiquement liminale, l’artiste engage une déconstruction topologique de la matière textile comme vecteur de résilience ontologique. Les trois agglomérats chromotextiles, subtilement disposés selon une triangulation quasi-rituelle, convoquent l’épaisseur du geste post-ménager dans une dialectique du résidu et de l’excroissance. Il ne s’agit pas ici de « simples » monceaux de linge : nous sommes conviés à une herméneutique de la chiffonnade, à une écopoétique du froissé.

Dans cette spatialisation du vestige, l’artiste oppose au vide-vertige muséal la matérialité informe d’un rebut sanctuarisé, opérant une subversion douce des régimes perceptifs hérités. Le tissu devient palimpseste haptique, territoire d’inscription des affects invisibilisés du soin, de l’intime, de la sueur sublimée. Chaque pile textile est une stase, un nœud de temporalités empilées, un refus du fini.

Ainsi, l’œuvre réarticule la notion de présence différée en la confrontant à l’esthétique de la fatigue domestique. L’agencement, faussement aléatoire, s’inscrit dans une lignée deleuzienne du pli, flirtant avec l’anti-forme à la Morris tout en réactualisant les apories du readymade dans une perspective queer-matérialiste

Francis Mizio

Les Trois Tas : hantologie textile d’un matrimoine déplié

Au cœur de cette nef industrielle transmutée en sanctuaire de la latence, l’artiste convoque un triptyque de tissus abandonnés, vestiges molaires d’une économie du soin évacuée des narrations dominantes. Par ces trois tas, résolument non-hiérarchisés, se joue une scénographie de la disparition : nous sommes ici en présence d’une installation qui ne montre pas, mais qui hante.

Chaque monceau textile opère comme reliquaire d’un féminin disséminé, excédé, relégué aux marges de l’archive patriarcale. Le froissé, le pastel, le coton fatigué : autant de signifiants d’un labeur spectralisé, d’une mémoire du linge lavé, replié, oublié — mais qui jamais ne consent à s’effacer tout à fait. L’installation repose sur une pensée du fantôme matériel : le tissu n’y est plus support, mais sujet ; le tas n’est pas un rebut, mais une revenance.

Inscrite dans un paradigme écoféministe spectral, cette œuvre tisse un lien inframince entre écologie domestique et matérialisme hantologique. L’artiste évoque ici la persistance d’un corps-monde féminin, dont les gestes d’entretien — jadis invisibilisés — ressurgissent dans la blancheur spectrale du vide-vertige muséal. Ces piles sont des sépultures douces, des dolmens de tissu, où s’ensevelissent les soins non dits, les silences repassés, les sueurs anonymes.

L’œuvre s’inscrit ainsi dans une esthétique de la survivance, héritière de Derrida et d’Avery Gordon, où le linge sale ne se lave plus en famille, mais se déploie comme un champ de ruines affectives, de plis insurrectionnels, de textures insurgées. Et sous chaque tas, on pourrait presque entendre battre le cœur absent de celles qu’on n’a jamais écoutées.

Pierre Gentès


Le tas c’est la mystique,

c’est l’image de l’élévation tentée, c’est le poids du charnel, c’est l’expression de la volonté de l’âme à fuir le corps et ses néfastes habitudes.
Ah ! comme cette installation grenobloise baignée de lumière céleste, nous rappelle notre petitesse, notre lourdeur d’envies, de désirs, d’attachement au matériel.
Regardez comme nous sommes petits, comme le ciel est lointain, comme l’effort- nécessaire, pour gagner ce siège de la félicité est gigantesque, car oui, ces œuvres qui semblent sortir de Terre, c’est nous, c’est nous tentant de nous arracher à la lourdeur démente de nos égoïsmes.
Regardez comme ce geste sublime nous montre isolés les uns des autres et sans aucun doute ignorants de ces autres qui sont aussi nous-même.
Ce travail est aussi un cri, un appel à une vie plus simple, plus en recherche de l’être que du paraître.
C’est un miroir que nous tend cet artiste thuriféraire de Boltanski et amoureux du Ghana et de sa plage d’Accra où se dresse une colline que son œuvre rappelle avec la puissance du clou pénétrant dans la paume d’une humanité abusée et égarée.
Je me vois dans ce miroir tendu et je me dis qu’il serait temps de briser le mur de la procrastination et de faire enfin cette lessive que sans cesse je remets à demain.

Christian Noorbergen

Soit loué, ô tas d’immondices !

Dans la solitude la plus désertique, et dans la désolation dévastée d’un hangar abandonné, trois tas d’étrangeté mystérieuse témoignent d’une forme nue d’élévation modeste. Cette pudeur d’apparence n’écarte pas l’hallucinante présence de ce trio royal. L’artiste évacue souverainement les références artistiques convenues. Il crée dans le non-dit assumé, et la subtilité chromatique de ses détritus hasardeux, phares d’un sidérant dénuement, en dit long sur sa volonté de s’inscrire dans l’ascèse d’une monstration évidée. Oser ne rien dire est héroïque. Le tas, finement enrichi de sa trilogie sacrale, dénonce à l’évidence, dans sa richesse retenue, toute surconsommation. Qualité intrinsèque qui s’ajoute à l’élégance affirmée de son allure pyramidale. Tas rare, emblématique d’une modernité toujours inassouvie dans ses besoins de mise à l’écart des poncifs de l’art.

Soit loué, ô tas d’immondices positives, d’inexister ainsi dans le trop-plein du monde.

Alex Chevalier

Contempler le silence

De par les positions que l’artiste adopte et les recherches qu’il mène, un hiatus semble se creuser au sein même de sa propre pratique, entre le retrait de la parole d’un côté et l’engagement et la confrontation du corps dans son entièreté de l’autre. Cette position permettrait alors de reconcentrer les intérêts que porte l’artiste pour la peinture et le pictural. Aussi, par le recours aux formes primaires qu’adoptent les trois tas de linges  réalisés par l’artiste et par un travail de mise en espace, il semblerait que l’artiste nous invite à contempler le silence.

Bruno Dagen

À l’intérieur du global indépassable.

Cet art du triple tas,  qui nous sied ici, travaille les discontinuités, opère sur tous les champs simultanément au risque de n’appartenir à aucun, il est une manière de faire autant qu’une esthétique… Changer les paradigmes du dedans et du dehors en déterritorialisant l’un et l’autre, à l’intérieur du global indépassable…

Des enjeux majeurs d’une pratique artistique globalisée, dans laquelle s’échangent, s’affrontent, se superposent, et se retournent les signifiants… « La plasticité des faits d’histoire, comme celle des œuvres quelles qu’elles soient, et qu’elles s’espacent dans le temps ou non, délimite un cadre, une configuration et des périphéries, qu’il est vain d’énoncer a priori. 

Jean-Marc Cinquorel 

Une tension polymorphe dans un agencement de trois accumulations  lingeuses

L’une des oscillations majeures et structurantes de l’art du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui se situe dans le rapport complémentaire autant que conflictuel entre la rigueur formelle d’une large abstraction géométrique et la revendication de l’organicité, du corps expressif et agissant dont l’une des formes récurrentes fut celle de la performance. Cette tension polymorphe trouve depuis une dizaine d’années et au-delà des phéno- mènes générationnels, un regain de pertinence et de fécondité, plaçant l’art aux frontières de ses définitions autant que de son exercice, brouil- lant les catégories, revisitant des contrées que l’idéologie avait littéra- lement gelées. Dans ce contexte, s’il est un artiste qui concentre et qui soumet à l’épreuve de l’œuvre la plupart de ces questionnements, c’est bien Didi Fricotin  qui conçoit cet agencement de trois tas de linge .

Bernar Farfadet

Un pessimisme raisonné

Pour reprendre les mots de l’artiste, ses derniers travaux, dont ce triple tas de linge,  sont empreints d’une forme de « pessimisme raisonné ». Il ne s’agit pourtant pas de rési- gnation, puisqu’en mettant sa colère en œuvre, en recyclant les promesses électorales ou en construisant de nouvelles images sur des ruines, il déve- loppe sa réactivité productive. Un glis- sement sémantique de la stratégie offensive Blitzkrieg vers l’image du bonheur selon Windows. La cartographie subjective incarnée par ces trois tas de linge, que nous propose Laurent Pernel trace des frontières symboliques – entre fond et forme, théorie et pratique, intérêts économiques et désirs individuels, discours politique et corps social – délimitant une géographie alternative, où l’histoire intime et l’histoire collective se rejoignent.

Louise Doucette

Le lingisme post-languien

Dégoûté par la figuration et par la narration, l’artiste Bilat a désormais abandonné ce registre pour développer ce qu’il nomme, le lingisme,  Dans la descendance des artistes de Support/Surfaces, qui faisaient des tas de bois

 Le spectateur, initialement désarçonné par ce qu’il voit, commence par concevoir la présence d’une image qui aurait disparu pour ne laisser que des traces… Une observation un peu plus poussée révèle l’absence de sens sous-jacente. Il faut admettre qu’il y a une œuvre, mais qu’elle ne se situe pas là où on s’attend à la trouver. Il y a eu déplacement, migration, passage à la frontière, aux limites… Dans ce processus, l’artiste nous révèle la profondeur, l’épaisseur d’une œuvre irréductible à toute interpétation.

Conchita Bolinero

Le tas de linge comme  s-cul-pture et dis- rup-ture

Je me suis aperçue que le mot sculpture était toujours présent répété inlassablement sans aucun souci d’élégance (jamais de synonyme pour éviter la lourdeur) ni aucun sens de l’humour ou du jeu. Je me suis mise à l’observer, comme on regarde attentivement un objet sous tous ces angles en essayant d’en découvrir la fonction. Je l’ai tout d’abord découvert manuscrit et avec mon écriture : Un S simplifié séparé du mot, c’est tout de même le « S » de sorcière, représentation épurée du serpent (qui siffle) ensuite il y a le mot « CULPTURE » divisé (en isolant CUL) par le « P » muet de père ou de pénis. Et si ce choix de la sculpture souvent pénible à réaliser trouvait son référent et son aboutissement dans son nom, écrit par moi-même de préférence, à propos de ces trois tas de linges usagés ?.

Lionel Gros

La litote et l’hyperbole.

Quand les œuvres investissent l’invraisemblable, le simulacre, la simulation, la vision ou le délire, elles restent toujours très proches du réel et  peuvent soutenir la fiction du sens. C’est cette altercation sensible entre le simulacre et le réel et finalement leur consubstantialité qui alimente le mystère et le trouble de ces tris tas. Simon Nicaise investit avec eux le geste minimum (plutôt que la sur- production), la précision, la sobriété et la réduction de ce qui pourrait apparaître comme leur antithèse : le romantisme, le spectaculaire, l’exu- bérance, dans un art où se rejoignent la litote et l’hyperbole.

Emmanel Laqueue

De l’« agentivité » de nos constructions culturelles

À travers une esthétique «fait main» et une approche spontanée pleine d’humour et d’ironie, Francesco F.  développe une pratique unique et idiosyncrasique basée sur l’observation d’incidents et de phénomènes qui interrogent autant les notions de transaction et de valeur, que « l’agentivité » et la signification de nos constructions culturelles.

Ses tas de linge avec yeux  sont à la fois des modèles et des événements. Ainsi la représentation d’espaces planifiés pour des activités culturelles, pour l’habitat, l’exposition, la construction, l’archivage ou encore le travail, a un aspect programmatique qui permet de spéculer activement sur les usages, les statuts et les sentiments que ces espaces cultivent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *