GNIARK ! GNIARK !… PARLEZ-VOUS L’ART CONTEMPORAIN ?

Quelques textes d’anthologie de la bien-jactance hyper-lingualisée et de la glossolalie surintellectualisée « art contemporain ». .. (On pourrait parler aussi bien de jargon, de verbiage, de dialecte, de logolalie, de logochiasse, de charabia, de patois bigouden, de délire verbeux, de mélopée gnaoua, de prurit bucco-pharyngé, de galimatias, de baragouin abscons, abstrus, inaudible,  imbitable…)

Exemple :

« D’efficaces narrativités promptes à l’échange massifié par l’entremise

des médias globalisés, qui perforent utilement, ici et là, pour un

temps, l’horizontalité du monde. La boucle se boucle, car le global n’a

évidemment pas d’extériorité. » Gniark ! Gniark !…

…Ce bel agencement de mots était un petit  extrait du volumineux texte de présentation de la Biennale d’art  Contemporain de Lyon 2013, intitulée « Une terrible beauté est née », écrit par Thierry Raspail, alors maître d’œuvre  de cette manifestation artistique locale, mais de portée internationale…

Mon bon camarade François Montmaneix, écrivain et poète lyonnais, à qui j’avais montré ce texte, l’avait aussitôt appris par cœur, pour pouvoir le déclamer à haute voix à ses  amis, tellement il trouvait cela pétillant en bouche et chatouillant au niveau de ses sinus paranasaux… Ainsi, l’abscons prenait-il, grâce à lui, dimension littéraire et poétique.

Il n’avait cependant pas cru bon de mémoriser la suite, pourtant tout aussi effervescente de ce texte d’anthologie de la bien-jactance hyper-lingualisée: « L’art d’ici qui nous sied travaille les discontinuités, opère sur tous les champs simultanément au risque de n’appartenir à aucun ; il est une manière de faire autant qu’une esthétique…

Changer les paradigmes du dedans et du dehors en déterritorialisant l’un et l’autre, à l’intérieur du global indépassable…Des enjeux majeurs d’une pratique artistique globalisée, dans laquelle s’échangent, s’affrontent, se superposent, et se retournent les signifiants…La plasticité des faits d’histoire, comme celle des œuvres quelles qu’elles soient, et qu’elles s’espacent dans le temps ou non, délimite un cadre, une configuration et des périphéries, qu’il est vain d’énoncer a priori. »  Une vraie tuerie langagière, isn’t it ?  

On pourrait parler ici de jargon, de verbiage, de dialecte, de logolalie, de logochiasse, de charabia, de patois bigouden, de délire verbeux, de mélopée gnaoua, de prurit bucco-pharyngé, de galimatias, de baragouin abscons, abstrus, inaudible,  imbitable… Mais j’ai enfin découvert qu’il existait un mot convenant exactement  à la chose : c’est  GLOS – SO – LA-  LIE …car voici sa définition telle que la donne les petit et gros Larousse : « Phénomène extatique, constaté dans de nombreuses religions et sectes religieuses anciennes et modernes, dans lequel le sujet émet une série de sons ou de mots dont les auditeurs ne peuvent saisir le sens sans le concours d’un autre sujet possédant le don de l’interprétation. » Il s’agit donc bien de cela.

J’ai consulté nombre d’éminents linguistes, orthophonistes, fellatologues, philologues, rhino-laryngologues, sémiologues, lexicologues, phonologues disciples de Nicolas Troubetkoy, théosophes de l’art disciples de Georges Didi Huberman, pour examiner ce texte, qui m’ont avoué ne pouvoir m’en donner la moindre interprétation… Il faut donc admettre que seuls les poètes comme François Montmaneix peuvent y trouver quelque intérêt, signification occulte ou subliminale… Ce qui prouve qu’il y a bien dans ces textes indéchiffrables pour le profane, comme un message d’origine extra-terrestre, paranormale ou carrément divine… ou alors, plus simplement, de poésie pure.

Mon ami Pierre Gaudibert, qui avait eu le jeune  Raspail comme adjoint lorsqu’il était, dans les années 70-80, conservateur du Musée des Beaux-Arts de Grenoble, m’avait signalé son cas, sans me préciser son don exceptionnel de médiumnicité autant verbale que scripturale… une aptitude qui fit de lui, ensuite, un des plus performants curateurs d’art contemporain à l’échelle mondiale, pour la plus grande fierté des  édiles culturelles de la Capitale des Gaules.

C’est bien plus tard, en 1996 ou 97, que j’eus l’occasion d’examiner in-vivo le phénomène, à l’occasion d’une présentation publique qu’il faisait d’une exposition curatée par lui, de Niele Toroni, je crois (vous savez : ce poulain d’Yvon Lambert, qui fait depuis quarante ans les mêmes empreintes de pinceau no 50, espacées régulièrement tous les 30 cm), au Musée d’Art Contemporain de Lyon… Je ne voulais pas rater ça et ne fut pas déçu de la causerie… J’y vis en effet notre curator local -international, face à  un auditoire d’au moins 15 personnes, les manches retroussées, les coudes sur la table de l’estrade, l’œil clos ou révulsé comme celui de la Sainte Thérèse du Bernin,  la tête dans les mains, pour une  spectaculaire extraction de mots de son orifice buccal, tel un accouchement extatique de morceaux de vérité révélée de nature  transcendantale… J’eus conscience d’assister là à un exercice de très très très haute glossolalie… Et ceci, malgré le caractère un rien pâteux de la diction…

« La pensée se fait dans la bouche » disait le poète Tristan Tzara… C’est ce à quoi nous assistons probablement ici : à une pensée extra-humaine qui s’oralise ou se verbalise sur les cordes vocales situées au fond d’un trou buccal qui devient ainsi l’émetteur –haut-parleur d’on ne sait quelle voix céleste… extra-terrestre autant qu’extra- cervicale, bien entendu..

Tout cela s’avère donc d’une extrême difficulté à débrouillasser… Et ce n’est par la déclaration d’André Rouillé (Directeur du fameux blog Part-art.com) qui va nous faciliter la tâche…

« Toutes ces œuvres, qui ont prospéré à l’époque moderne et contemporaine, confient aux mots le rôle d’intercesseur entre les choses visibles et les processus et sens qu’elles incarnent, sont donc des œuvres indissociablement processuelles et discursives. »

Nous y voilà donc, mais c’est bien sûr : il est là, le nœud de l’inextricable affaire !

L’art dit contemporain serait donc un truc où processualité et  discursivité sont intimement mêlèes !

Autrement dit : c’est le discours qui engendre l’œuvre, en même temps que l’œuvre engendre le discours. Le discours est dans le process  et inversement. C’est comme de la « prophétie auto-réalisatrice » par médium interposé… Vous me suivez ?

Et c’est ainsi que nous avons notre prophète–medium lyonnais, qui ne comprend strictement rien à ce qui lui sort de la  bouche, parce que ce n’est pas à lui de comprendre et parce que cela se situe bien au-delà de toute compréhensibilté humaine et animale… Comprends-tu, Ginette ?

Bon, mais alors, si l’art conceptuel qui, par définition, sollicite le cerveau, l’intelligence et la compréhension, se doit d’être simultanément l’inverse, c’est-à-dire buccal et parfaitement imbitable. Si on est dans ce cas de figure où c’est l’intellectualité-même  qui fabrique du non-sens et de  l’incomprehensibilité, où va-t-on, Ginette ?… Ne sommes-nous  pas, dès lors, face à de la maxi-embrouille à de la  haute perversité, à de la cruauté mentale majuscule, qui font qu’on est piégés, coincés, faits comme des rats, totalement anéantis, asphyxiés, essorés, tordus du dedans, chosifiés et livrés, pantelants, à la voracité prédatrice du grand capitalisme mondial associé à de la bureaucratie nationale ?… Je vous le demande.

Alors oui, il ne faut pas se laisser faire… et c’est avec les poètes que nous nous défendrons, car eux savent vraiment ce que veulent dire les mots…

QUELQUES BEAUX MORCEAUX  DE PROCESSUALITÉ DISCURSIVE ET DE CUISTRERIE PATISSIÈRE

Je me suis  constitué une collection de textes  typiquement glossolaliques, écrits par quelques-uns des plus éminents critiques d’art sur la place de Paris (dont le Breton Huitorel), accompagnant les œuvres typiquement conceptualo-bidulaires bourrant les FRAC.

 J’en ai publié quelques-uns dans une  rubrique intitulée « Votre friandise du jour »,  chacun d’eux étant accompagné du seul « Ben voyons Ginette !», signifiant qu’il pouvait se  passer de tout autre commentaire…

Je vous en livre ici une vingtaine des plus pétillants en bouche, lorsque vous les lisez à haute voix en articulant bien… Gniark ! Gniark !

Ceci n’est pas une fellation.
Ce goût constant pour le geste réitéré, de Christelle Familiari,à l’Ecole des Beaux-Arts de Nantes on le retrouvera dans la confection du tapis des « limaces ». L’artiste réalise aussi des vidéos, dont la « Tailleuse de pipe ». C’est un plan rapproché sur ce qui a tout l’air d’une fellation, la bouche comme le sexe étant enveloppés dans un « cache taille pipe » crocheté. Cet objet, réalisé uniquement pour la vidéo, sera néanmoins à l’origine d’une série dite des Objets en laine, réalisés au crochet et vendus comme tels afin que d’autres puissent les expérimenter : Slip à masturbation, Slip à pénétration, Cagoule pour amoureux, Bras pour danser le slow, etc. Le contrat de vente stipule que l’acheteur doit fournir à l’artiste un document visuel de l’utilisation de l’objet. Jean-Marc Huitorel – artpress n°293, septembre 2003

Dialectique symptomale

Cette « chute », puisqu’il ne s’agit pas d’assomption, rejoint la « dialectique symptomale » dont parle Georges Didi-Huberman dans sillage de Georges Bataille. Une manière d’œuvrer qui ressemble à l’ouverture d’une blessure qui met en scène la vaine intégrité des corps et désigne l’intenable et extatique certitude du rapport à la mort, incarnée par la constatation de la présence permanente du bourreau dans les « machines pénitentiaires » de l’histoire. – Michel Enrici

« This outsideness » à la galerie d’Art et d’essai de l’université de Rennes

La fonction sécante de la ligne graphique divise autant qu’elle réunit. L’impossible indépendance de ces deux faits (séparation/intégration) l’un par rapport à l’autre est un phénomène propre à une multitude de situations relationnelles… Cette exposition se propose d’interroger cette condition, en particulier la réversibilité de l’espace et la relativité des frontières. Ce qui se joue ici c’est la façon dont toute limite, qu’elle soit abstraite ou physique, artificielle ou réelle, produit à la fois un espace défini par des contraintes et un espace qui en est l’extension. – Romain Boulay

En ce qui concerne le placement de mes papiers rayés 

Aujourd’hui, comme rien ne restera fixé, que le faire sera en même temps le moyen et la fin, le dire sera centré sur la mobilité. Dire multiple, mis en mouvement et s’effaçant au fur et à mesure, je travaille ici en utilisant les éléments spécifiques qui me sont donnés dans cette salle et qui vont donner à ce travail sa forme et son support. C’est-à-dire que, plus précisément et ici, je n’utilise que les fenêtres, trous dans l’architecture, pivots entre l’extérieur et l’intérieur, encadrant l’extérieur et encadrées par les murs depuis l’intérieur… Sous vos yeux donc, non pas un travail fini, fixé, mais bien un travail dont la visibilité du faire se développant sous vos yeux en est le sens même. – Daniel Buren

Une tension polymorphe dans  un agencement de cannettes de bière long d’un kilomètre

« L’une des oscillations majeures et structurantes de l’art du 20ème siècle et jusqu’à aujourd’hui se situe dans le rapport complémentaire autant que conflictuel entre la rigueur formelle d’une large abstraction géométrique et la revendication de l’organicité, du corps expressif et agissant dont l’une des formes récurrentes fut celle de la performance. Cette tension polymorphe trouve depuis une dizaine d’années et au-delà des phénomènes générationnels, un regain de pertinence et de fécondité, plaçant l’art aux frontières de ses définitions autant que de son exercice, brouillant les catégories, revisitant des contrées que l’idéologie avait littéralement gelées. Dans ce contexte, s’il est un artiste qui concentre et qui soumet à l’épreuve de l’œuvre la plupart de ces questionnements, c’est bien Nicolas Floc’h qui conçoit « Beer Kilometer » : un agencement de cannettes de bière long d’un kilomètre et offert à la consommation des visiteurs, pour finir dans le chaos qu’on imagine.                              Jean-Marc– Huitorel

Épigénétisme  à l’Espace Cerveau de l’IAC de Villeurbanne

Aux expériences de “perception élargie” menées dans l’« Espace Cerveau » du IAC de Villeurbanne, suivent celles, plus intenses encore, d’une fusion vitale avec les éléments et une aspiration à ne faire qu’un avec l’univers. Dans l’élan de nouvelles recherches sur le vivant, telles que l’épigénétique, où l’impact de l’environnement est mesuré dans le génome sur plusieurs générations, ou l’astrobiologie, qui recherche du commun entre Mars et la Terre à l’échelle de l’infiniment petit, il s’agit de penser en terme de coexistence et de lien dynamique. De cette approche relationnelle, transitive, se dégagent les notions fondamentales de milieu, de passage, de mouvance. Sur le mode des conceptions orientales, dénué de tout clivage, émerge une appréhension unifiée du cosmos. Comment, aujourd’hui, la création et la recherche peuvent-elles contribuer ensemble à ce changement de paradigme, construire un autre regard sur le monde ?  – Nathalie Ergino

Contempler le silence

De par les positions que l’artiste adopte et les recherches qu’il mène, un hiatus semble se creuser au sein même de sa propre pratique, entre le retrait de la parole d’un côté et l’engagement et la confrontation du corps dans son entièreté de l’autre. Cette position permettrait alors de reconcentrer les intérêts que porte l’artiste pour la peinture et le pictural. Faire fi de la figure et de toutes distractions pour nous rappeler que la peinture est avant tout une question de couleurs et de juxtaposition de “touches” plus ou moins visibles. Aussi, par le recours aux formes primaires qu’adoptent les dessins et sculptures réalisés par l’artiste et par un travail de mise en espace, il semblerait que l’artiste nous invite à contempler le silence. Alex Chevalier

Où est la surface picturale ?

Le problème, est de faire éclater l’azur avec la boue de la couleur. On part d’une matérialité bien déterminée, qui est celle du tableau, sur laquelle on ajoute une autre matérialité, qui est celle de la peinture, et l’ensemble doit produire une sorte de flottement de perception. Où est la surface picturale ? Est-ce qu’elle est en avant ou en arrière de la toile ? Dans quel état d’apesanteur par rapport au tableau ? Comme mes tableaux sont cadrés haut, on n’a pas de ligne d’horizon, de point de référence.  Ces tableaux ont plus à voir avec la tache, la macule. Tout ce qui glisse fait composition.  – Bruno Carbonnet 

L’atlas alternatif et glissement sémantique

Pour reprendre les mots de l’artiste, ses derniers travaux sont empreints d’une forme de « pessimisme raisonné ». Il ne s’agit pourtant pas de résignation, puisqu’en mettant sa colère en œuvre, en recyclant les promesses électorales ou en construisant de nouvelles images sur des ruines, il développe sa réactivité productive, comme l’indique le titre Bliss Krieg que l’on pourrait littéralement traduire par « guerre du bonheur ». Un glissement sémantique de la stratégie offensive Blitzkrieg vers l’image du bonheur selon Windows. La cartographie subjective que nous propose Laurent Pernel trace des frontières symboliques – entre fond et forme, théorie et pratique, intérêts économiques et désirs individuels, discours politique et corps social – délimitant une géographie alternative, où l’histoire intime et l’histoire collective se rejoignent.  Lélia Martin-Lirot

 

L’abstraction fonctionnelle  des chaises de bureau

L’occurrence la plus saillante de cet enchaînement se trouve sans doute dans la vie des chaises de bureau de Olivier Nottelet,   …En leurs attitudes sans cesse changeantes, les chaises mêlent en elles, comme dans une éprouvette, tout ce qui inexplicablement affecte les corps, les abstraits de leur fonctionnement régulier. Ces gestes en quête d’ajustements incompréhensibles, suspendus, ne remplissent pas l’espace, ils l’agencent : ils en attestent l’hétérogénéité irréductible, les divagations, contre l’homogénéité supposée naturelle, physique, de son extension. – Antonia Birnbaum

Telle est notre Arcadie spectrale et mouvante

L’artiste prend acte qu’elle est la « nature » du peintre d’aujourd’hui. Et le geste de ce peintre, reproduisant manuellement du reproductible mécanique, ne constitue évidemment pas une régression, mais fait fond, au contraire sur cette féconde dialectique, en en gardant le risque et l’acuité. On pense à cette remarque de Walter Benjamin, à laquelle on prête en général peu d’attention, et qui souligne à quel point image et reproduction sont étroitement liées dans le jeu de l’appropriation et de la distance, de l’unicité et de son éclatement. Il a admis une fois pour toutes qu’il n’y avait pas d’extérieur, pas d’ailleurs plus vrai, plus unique, que ce monde d’images sans fin. Telle est notre Arcadie, spectrale et mouvante, dans laquelle nous évoluons comme à tâtons, dans l’attente de trouver « ce champ libre où toute intimité cède la place à l’éclairement des détails. » Régis Durand,

Cette confiance dans le « presque néant »

C’est cette sérénité, cette confiance dans le « presque néant » qui rend possible d’entreprendre cette progression vers les éléments de l’œuvre. Il est vrai que ce moment de l’installation au mur, des feuilles, de l’adhésif, a existé dans le temps, il a eu une durée. Cependant, la photographie ne peut pas s’assimiler à un morceau de vie, elle est transformation, sédimentation, marque, vestige : quelque chose s’est imprimé. Elle semble jouer le jeu de la mémoire : la chose se perd, mais elle fait corps avec nous. » Joana Neves

L’inlassable recherche des occurrences de sa circonscription

Ce que Marcel Dinahet interroge, plus que la nature, c’est la notion de limite et de frontière, l’idée d’espace de jonction, la butée, les interfaces. Plus précisément encore, la limite que Dinahet teste et expérimente, c’est le contour même de cela qu’on appelle l’art. Le territoire de l’artiste est moins un espace naturel en soi que l’espace naturel comme métaphore du champ qui est le sien, celui de l’art. En cela il rejoint les préoccupations des land-artists historiques ; en cela aussi il appartient définitivement à l’époque au sein de laquelle il œuvre, cette époque dont l’une des préoccupations majeures est précisément, non plus la définition de l’art mais bien l’inlassable recherche des occurrences de sa circonscription. –     Jean Marc Huitorel

De l’« agentivité » de nos constructions culturelles

À travers une esthétique « fait-main » et une approche spontanée pleine d’humour et d’ironie, L’artiste développe une pratique unique et idiosyncratique basée sur l’observation d’incidents et de phénomènes qui interrogent autant les notions de transaction et de valeur, que « l’agentivité » et la signification de nos constructions culturelles. Ses installations sont à la fois des modèles et des événements. Ainsi la représentation d’espaces planifiés pour des activités commerciales, pour l’habitat, l’exposition, la construction, l’archivage ou encore le travail, ont un aspect programmatique qui permet de spéculer activement sur les usages, les statuts et les sentiments que ces espaces cultivent. –  Joshua Simon,

Le tranchisme

Dégoûté par la figuration et par la narration, l’artiste a désormais abandonné ce registre pour développer ce qu’il nomme, le tranchisme…Dans la descendance des artistes de Support/Surfaces, ildécide de laisser la surface de la toile vierge ou badigeonnée en blanc, et de ne peindre que les tranches de son châssis. Le spectateur, initialement désarçonné par ce qu’il voit, commence par concevoir la présence d’une image qui aurait disparu pour ne laisser que des traces… Une observation un peu plus poussée révèle l’absence de couverture d’une couche sous-jacente. Le blanc de la surface est bien immaculé… Il faut donc admettre qu’il y a une œuvre mais qu’elle ne se situe pas là où on s’attend à la trouver. Il y a eu déplacement, migration, passage à la frontière, aux limites… Dans ce processus, l’artiste nous révèle la profondeur, l’épaisseur d’une peinture dérobée au regard.Louis Doucet

Le réel comme signe

Entre l’advenue de l’image et sa dissolution, sa dégradation se déploie l’espace du temps comme producteur de forme. Dans les polaroïds de cet artiste le temps et la lumière deviennent matrice d’une image qui absorbe le réel dans l’informe de sa corrosion.
L’enfouissement du réel dans ces « compositions abstraites sont en quelque sorte comme l’intériorité de notre réalité, son indice abstrait qui par là même s’en sépare pour devenir image autonome….Le réel comme signe.
 Philippe Cyroulnik,

L’extase matérielle de l’air, pour rien

C’est la dentelle de la réceptivité sensible ou de l’Esthétique transcendantale. La tentation à l’œuvre de donner une certaine allure à l’espace même. À l’espace et à la poussière des éléments qui y tourbillonnent. Ces plumes, au milieu du vide, sont les grains de matière de Lucrèce qui dorment dans les rayons du soleil : l’extase matérielle de l’air, pour rien. Un dessaisissement jubilatoire, l’abandon à lui-même du monde, les quatre fers en l’air. –  Claude Royet-Journoud

Les toupies dressent le constat

Il s’agit ici non seulement de la dissolution des repères temporels mais de la manière dont le présent se donne. Le point, représenté ici par la pointe sur laquelle tourne la toupie, le point danse sur lui-même se gonflant par le mouvement de sa rotation jusqu’à « imposer tous les temps et tous les univers », ce qui revient à les dissoudre jusqu’à ce que l’énergie enfin dissipée, un nouveau geste vienne relancer la toupie. On comprend ainsi que ce qui importe le plus, pour cet artiste,  c’est cette dissipation de l’énergie, comme si elle représentait la seule manière satisfaisante d’être au monde.-  Jean Louis Poitevin

Trouer la possibilité d’un lieu stable

La volonté d’un faire monde, pensée sous la forme absolue de la monade, avec pour prémisse de le faire à l’écart du monde, ou, dans un violent déni, à sa place, voilà le danger inhérent à l’utopie que pointent les Maisons closes. Pour autant, la critique que portent ces travaux ne trouve pas son sol dans le registre idéologique. Moins saisis à une étape théorique d’un processus inéluctable conduit à accomplir sa phase initiale qu’occupés à creuser la faille de l’un de ses intervalles, les projets de ce couple d’artistes signent leur appartenance à un espace sans dimension, ou, inversement, à n dimension : l’espace de la fiction. Car celle-ci ne prend aucune place – au contraire, elle troue la possibilité d’un lieu stable. – Jean-Pierre Rehm

La s- cul-pture

Je me suis aperçu que le mot sculpture était toujours présent répété inlassablement sans aucun souci d’élégance (jamais de synonyme pour éviter la lourdeur) ni aucun sens de l’humour ou du jeu. Je me suis mis à l’observer, comme on regarde attentivement un objet sous tous ces angles en essayant d’en découvrir la fonction. Je l’ai tout d’abord découvert manuscrit et avec mon écriture : Un S simplifié séparé du mot, c’est tout de même le « S » de sorcière, représentation épurée du serpent (qui siffle) ensuite il y a le mot « CULPTURE » divisé (en isolant CUL) par le « P » muet de père ou de Pénis. Et si ce choix de la sculpture souvent pénible à réaliser trouvait son référent et son aboutissement dans son nom, écrit par moi même de préférence. – Anita Molinero

Intervalles heuristiques et transmédialité

Chaque ensemble de cette artiste  se déploie dans cet esprit de transmédialité qui joue de l’hybridation ou de la résonnance des fragments visuels, sonores et textuels les uns avec les autres dans un jeu de contrepoint. Différents formats et supports invitent aussi à découvrir des « zones interstitielles d’exploration, des intervalles heuristiques4 » sur la table, le sol, les murs ou encore la page virtuelle. Dans les films, les écarts se logent entre les couches d’images, dans la surimpression, ou entre les plans, dans les noirs devenus espaces de vibration des images comme des sons. – Térésa Faucon

La litote et l ‘hyperbole.

Quand les œuvres investissent l’invraisemblable, le simulacre, la simulation, la vision ou le délire, elles restent toujours très proches du réel, peuvent-être pour soutenir la fiction du sens. C’est cette altercation sensible entre le simulacre et le réel et finalement leur consubstantialité qui alimente le mystère et le trouble des œuvres parfois même hyperréalistes. Simon Nicaise investit le geste minimum (plutôt que la surproduction), la précision, la sobriété et la réduction de ce qui pourrait apparaître comme leur antithèse : le romantisme, le spectaculaire, l’exubérance, dans un art où se rejoignent la litote et l ‘hyperbole. – Lionnel Gras

( Je propose par ailleurs ce texte à la très littéraire et poétique « Revue des Archers » de Marseille, qui a déjà publié certains de mes écrits )

la médiation en art contemporain

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